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Que sont-ils devenus ?































Les histoires de trois talibés qui n’ont jamais abandonné leurs rêves


Maison de la Gare est un refuge pour les garçons talibés de la rue de Saint-Louis. Son centre et son personnel attentionné leur offrent de l'espoir grâce à l'éducation et une oasis dans leur pénible quotidien consistant à mendier pendant de longues heures et trouver de quoi survivre dans la rue.

L'espoir, à travers l'éducation, est réel. Ce rapport raconte le cheminement de trois garçons exceptionnels qui, malgré des années de mendicité forcée et confrontés à des obstacles inimaginables, ont choisi de persévérer dans la poursuite de l'éducation.

Les garçons de la rue de Saint-Louis proviennent rarement de la région. Sans soutien parental et sans argent, obligés de respecter des quotas de mendicité quotidienne des marabouts qui les contrôlent, l'éducation formelle leur est inaccessible. Dans la plupart des cas, les enfants ne disposent pas de la documentation qui leur permettrait autrement de s'inscrire à l'école et accéder aux examens.

Arouna a été le premier grand succès de Maison de la Gare dans l’éducation formelle. Passionné par la possibilité de s'instruire, Arouna est de nationalité sénégalaise (il est originaire de la région lointaine de Kolda), et Issa Kouyaté, le fondateur et directeur de Maison de la Gare, a négocié avec le marabout d'Arouna pour réduire son quota de mendicité pour certains jours et lui permettre d'être inscrit à l'école. Maison de la Gare l'a nourri, pour qu'il n'ait pas à passer du temps à mendier pour manger, ce qui lui a laissé plus de temps pour étudier. Issa et les enseignants ont aidé Arouna à faire ses devoirs, payé ses frais d'inscription et acheté ses fournitures scolaires. Le parcours d’Arouna à travers le système éducatif formel a été long et difficile. Il a été confronté à d'innombrables incidents de discrimination et a surmonté de multiples tentatives des autorités et de son marabout pour faire dérailler son éducation.

Arouna a été retenu à plusieurs reprises, à l’école primaire et au collège, mais il a persévéré. Finalement, le moment arriva pour Arouna d’accéder aux examens qui allaient lui permettraient d'accéder au lycée. Hélas, dans un effort pour continuer à le contrôler, son marabout a refusé de lui donner ses papiers d'identité. Pendant les années qu'il a fallu à Maison de la Gare et à Arouna pour obtenir des duplicata (tâche presque impossible étant donné que ses parents étaient tous deux décédés et qu’il n’avait pas d'actes de décès, car Arouna était un enfant talibé à l'époque et ignorait qu'ils étaient décédés jusqu'à des années plus tard), Arouna a suivi des cours de lycée pour se préparer à ce qui l'attendait ainsi que des cours au collège pour l'aider à se préparer aux examens qu'il espérait pouvoir bientôt réussir. Pendant tout ce temps, il vivait dans un daara sans accès à l'électricité ni à l'eau courante, entassé avec des dizaines d'autres garçons talibés.

Arouna a commencé le lycée dans des classes avec des enfants beaucoup plus jeunes, mais avec le cœur rempli d’espoir. Encore une fois, il a été victime de discrimination et a été retenu, qui a prolongé ses études. Alors qu'il commençait à redoubler sa dernière année de lycée, le désastre a frappé une fois de plus sa famille. Sa sœur aînée est décédée de manière inattendue et le jeune fils de celle-ci est devenu la responsabilité d’Arouna, en plus de ses deux jeunes sœurs. N’étant pas du genre à céder au désespoir, Arouna a travaillé à Maison de la Gare entre les heures de classe pour soutenir ses sœurs et Issa a accueilli son jeune neveu chez lui, l'inscrivant à l'école formelle pour donner à Arouna la relative liberté de poursuivre ses propres études.

Cette année, Arouna devait obtenir son diplôme. Mais à quelques mois des examens, les écoles du Sénégal ont dû être fermées en raison de Covid-19. Même habitué comme il l’est à faire face aux défis, Arouna a été anéanti quand on lui a annoncé qu'il aurait besoin de redoubler sa dernière année de lycée. Mais, avec le défi vient l'espoir. La sœur cadette d'Arouna s'est mariée cet été, ce qui a allégé son fardeau de soutien et lui a permis de doubler ses études. Aujourd'hui, au début de la vingtaine, Arouna s'est inscrit à sa dernière année de lycée (pour la troisième fois) et s'engage à tout mettre ses efforts dans ses études afin de se donner la meilleure chance possible d'avancer aux études postsecondaires. L'espoir et la persévérance définissent ce beau jeune homme.

Tijan est un autre talibé qui a continué à être motivé par sa passion d'obtenir une éducation. Après avoir quitté son domicile en Gambie pour venir à Saint-Louis en tant que talibé, Tijan a étudié pendant des années dans les cours d’alphabétisation et de mathématiques de Maison de la Gare. Il a finalement pu rentrer en Gambie, avec le soutien de Maison de la Gare, pour s'inscrire au lycée. Il y a un an, Tijan a terminé ses études secondaires, une réalisation extraordinaire pour celui qui avait passé de nombreuses années comme talibé. Il était très désireux de postuler et de commencer l'université. Mais, malgré des notes suffisamment élevées, il n'a pas été accepté. Il y avait des « irrégularités » dans sa candidature ; peut-être avait-il choisi le mauvais programme, ou n'avait-il pas les bons prérequis, on ne peut pas vraiment en connaître la raison.

Déterminé à ne pas abandonner ses études, Tijan a passé l'année écoulée à suivre des cours de commerce supplémentaires qui, selon lui, le prépareraient mieux une fois qu'il serait accepté à l'université. Il a postulé à nouveau ce printemps et a récemment appris que sa candidature avait cette fois été retenue. Il commencera ses études de gestion et de commerce à l'University of the Gambia en septembre !

Il y a un an, en attendant de recevoir des nouvelles de sa candidature initiale à l'université, Tijan est retourné à Maison de la Gare où il a reçu un ordinateur qui pourra l'aider à poursuivre ses études supérieures. À Saint-Louis, d'autres talibés ont été étonnés d'apprendre qu'il était en fait diplômé du lycée. Tijan est devenu une superstar, une lueur d'espoir. Sulayman faisait partie de ces talibés dont les yeux et les cœurs étaient ouverts à la possibilité de retourner chez eux à l’école grâce à l’exemple de Tijan.

Sulayman était un talibé depuis de nombreuses années. Comme Tijan, il était originaire de Gambie et possédait des papiers d'identité nationaux lui permettant de s'inscrire à l'école en Gambie. Mais, en tant que talibé, ses chances de pouvoir s’instruire lui semblait incroyablement lointaine. Il a toujours entretenu le rêve secret de s’inscrire à l’école formelle. Il a toujours travaillé dur pour remplir son quota de mendicité tôt dans la journée afin de pouvoir assister aux cours de Maison de la Gare. Après des années de mendicité forcée, Sulayman a quitté son daara en raison de conditions intolérables. Même en continuant à mendier et à faire de petits boulots pour survivre, il a continué à étudier dans les classes de Maison de la Gare. Lorsque Sulayman a rencontré Tijan, son espoir d'une éducation a été ravivé.

Issa et d'autres membres du personnel ont rencontré Tijan et Sulayman pour leur offrir des conseils et un soutien en vue de leur retour en Gambie. Sulayman était éligible pour s'inscrire au lycée. Malgré son âge de 21 ans, il était enthousiasmé par la perspective des quatre prochaines années d'études - dans une vraie école ! Prévoyant commencer l'école en janvier 2020, Sulayman et Tijan ont quitté ensemble Maison de la Gare - se dirigeant vers un nouvel avenir basé sur les études qu'ils étaient sur le point de poursuivre.

Lorsque Sulayman est arrivé chez lui, il a été accueilli par des parents de sa famille qui vivaient près du lycée qu'il espérait fréquenter. Il a été accepté à l'école et s’est inscrit à un cours de tutorat en mathématiques pour se mettre à jour le plus rapidement possible. Sulayman est maintenant un lycéen tourné vers l’avenir !

L'espoir est réel, en effet !