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Je suis Arouna Kandé
















































Un talibé partage son expérience de la vie, et le rôle joué par Maison de la Gare


Je m’appelle Arouna et je suis un talibé et Adjoint à l’administration de Maison de la Gare. J'ai grandi à Kolda en Casamance au sud du Sénégal. J’ai été confié à un daara de Saint-Louis en 2006 à l'âge de neuf ans pour suivre mes études du Coran. J’avais laissé derrière moi mes parents et mes trois jeunes sœurs qui sont toujours dans mes pensées. Et je suis orphelin de père et mère depuis.

Dès mon arrivée à Saint-Louis, je voyais des enfants partout dans la ville avec des pots à la main, errant pieds nus avec les habits déchirés et sales, sans pouvoir me laver ni me faire soigner. Je me disais dans ma tête : « De quel monde s’agit-il ? À quoi bon ? Pourquoi vivre alors qu’il n’était plus possible d’être soi-même ? »

J'étais triste du lever au coucher du soleil, les mains dans mes poches de pantalon. À ces moments-là, mes pensées se tournaient vers ma famille. Ah !!! Avec ma famille j’aurais discuté, j’aurais donné mon point de vue. Mais au milieu de tous les marabouts j’étais, comme tous les enfants, un esclave.

Après trois ans de calvaire, j’ai rencontré une association du nom de Maison de la Gare. J’ai connu l’association par l’un de mes camarades qui passait chaque jour au centre.

Maison de la Gare est une association à but non lucratif, apolitique et laïque, fondé en 2007 par un groupe de Sénégalais animés par la volonté d’améliorer les conditions de vie des talibés dans leur pays, le Sénégal. Maison de la Gare a pour objectif d'aider les talibés à s'intégrer dans la vie du Sénégal tant sur le plan social que professionnel en leur donnant accès à l'éducation, à l'information sur les formations professionnelles et à des activités sportives ou artistiques.

Dès mon premier jour au centre, j'ai vu plein d’enfants à l’intérieur. D’autres étaient dans les salles de classe, à l’infirmerie et la bibliothèque ou prenaient leur douche. C’était inimaginable de voir tous les talibés dans le centre comme s’ils étaient dans leurs familles. Après une semaine, j’ai commencé des cours d’alphabétisation avec Bouri Chérif Mbodj comme professeur de français. Je passais les matins au centre pour me laver et parfois pour me soigner. Et je repassais les soirs, encore pour suivre les cours de maths, français, histoire et géographie le lundi, le mardi et le mercredi. Et du jeudi au vendredi, nous organisions des matchs de football avec les autres enfants de la ville de Saint-Louis; les sports contribuent beaucoup au développement des enfants, pour qu’ils puissent mieux préparer leur avenir.

En seulement trois ans, j’ai maîtrisé la grammaire élémentaire. Finalement j’ai annoncé au président Issa Kouyaté que je voulais aller au collège. Il m’a demandé « Arouna ! As-tu peur de parler en classe ? » J’ai répondu « Non ». Ensuite il m’a demandé « Arouna ! As-tu peur de jouer avec tes camarades de classe ? » De nouveau, j'ai répondu « Non ». Il m’a inscrit dans un établissement public du nom de CEM Amadou Fara Mbodj, un établissement qui se trouve au nord de Saint-Louis.

À l'âge de seulement seize ans, j'ai accumulé des connaissances pour devenir un leader et un exemple parmi les talibés. Je me suis consacré à mes études et souvent j'ai laissé passer des jeux de foot ou des activités en faveur de mes études. Je travaillais occasionnellement dans mon daara à la lumière de la lune jusqu’à minuit. Malgré mon expérience de la rue, personne ne m'obligeait à mendier; j’avais toujours consacré du temps à fournir un petit quota d’argent pour mon marabout. Pour le faire, je vendais des poissons au marché local que je trouvais sur la rive du fleuve Sénégal, rejetés par les pêcheurs. Pourtant, j’avais toujours du temps pour veiller sur les jeunes talibés. J'ai été également disponible pour donner un coup de main pour les corvées que nous faisons souvent dans le centre.

Au-delà même des questions de la vie au daara, je me posais la question de la vie après le daara : que dois-je faire dans la vie si je ne parle pas français (la langue officielle au Sénégal) et je ne possède aucune compétence professionnelle ? Les meilleurs deviennent marabouts à leur tour ou enseignants de la langue arabe, mais qu’en est-il du reste ? Durant toute mon enfance, l'âge où l’on apprend la vie en société, je fus à l’écart de tous, à cause de mon odeur, de mes vêtements et de la peur des parents des autres enfants. Il me manquait aussi les compétences nécessaires à la recherche d’un emploi, fût-il précaire !

La jeunesse d’aujourd’hui est la société de demain, dit-on. Quel genre de société construit-on ainsi ? Il ne faut pas se leurrer; une éducation musulmane se doit d'être complétée de compétences techniques ! La vérité, c’est que si une fois à l’âge adulte je me retrouve sans compétence ni emploi, je serai perdu pour la société, et j’irais grossir le lot des hors-la-loi.

Maison de la Gare m’assure un milieu familial. Je suis également encouragé à communiquer avec mes correspondants au Canada via Internet, par les volontaires de Maison de la Gare qui connaissent mes qualités et mon potentiel.

Moi et tant d’autres enfants comme moi, nous sommes l’avenir du Sénégal.